Dans les bras d’un papa

lolo

 

C’est Christian Bobin qui le dit : « Ecrire c’est ne rien oublier de ce que le monde oublie ».

Le temps creuse son lit et les petits cailloux brillent par millier. Je comprends les Japonais et l’amour qu’ils portent à leurs jardins, minéral et végétal s’unissent pour notre bien-être. Ici mes jardins sont les cafés on l’aura compris, ma dose quotidienne je la réclame, la proclame, oui les bistrots et autres troquets, petits bouis-bouis sont mes sujets, je les honore chaque jour de ma présence, les salue, les respecte, les aime.

Ce matin après avoir déposé Flora à René-Descartes, juste après une accélération dans un virage en entamant une longue ligne droite, longue comme un poème sur lequel on s’étend, j’ai pensé à cela. Au temps qui s’ouvre. Vivre ainsi procure un sentiment étrange. Alors que tout au loin le boulevard s’échappe, je comprends que ce que je m’offre n’est rien d’autre que le plaisir de contempler l’espace de ma vie, que chaque instant donne naissance à d’autres, qu’il me semble pouvoir ainsi prolonger cette ivresse comme lorsque l’on entrouvre une fenêtre pour laisser passer un courant d’air et qu’enfin on décide d’ouvrir la porte principale.

Qu’on se rapproche en silence, qu’on colle au plus près tout en étant ailleurs, un sentiment de perspective, une vraie 3D. La découverte est réelle, elle devient rencontre, paroles, écoute. Désirs. Le monument de l’Indépendance est tout près avec son virage serré comme sur un circuit, je me penche pour mieux l’épouser et remet les gaz à la sortie. Il ne me reste qu’un bout de chemin pour revenir à moi…

Ce soir on a dîné avec Sylvia, c’était son anniversaire. On lui a offert le livre « le Rivage de Kafka », un périple imaginaire où l’auteur Murakami fait parler des chats, où la bibliothèque est une maison vaste. Un petit tableau sans cadre.

A 19 heures pétantes on était au restaurant l’Orchidée, c’était la première fois qu’on se faisait un menu à 15 dollars… Une quarantaine de convives était rassemblés dont une bonne partie de sang royal, c’est un peu comme les cafés ce genre de soirée, on ne connaît personne, on se faufile, salue, on peut même embrasser. Un chanteur sur une bande son anime le restaurant en reprenant des standards, dans un coin mal éclairé une balancelle qui s’efface, là aussi cette vie désuète a du charme. On reste juste à la surface, parfois on plonge dans un dialogue le temps d’écrire ce que l’on veut montrer. Des scénettes  qui pourraient aussi bien se dérouler sur une route du Mexique ou sous les néons de nulle part.

Juste un petit vertige en somme, « la part des anges ». En rester là ne suffirait-il pas finalement ? Doucement ces mouvements de vie, ces tourbillons au milieu des cailloux dorés s’échappent derrière un voile tendu, les mots sonores s’éloignent. Un petit enfant dans les bras de son papa, un papa qui nous soulève du fauteuil et nous dépose tendrement dans un lit. Tout s’efface et redevient une toile blanche, c’est là que j’entends des notes, un air de flûte, que je ferme les yeux.

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