Une vie à Angkor pour Sopheak.

L’aventure continue pour Sopheak, jeune musicien virtuose de Kien Kleang. Bientôt, si tout se déroule comme prévu, il quittera définitivement l’orphelinat pour s’installer à Siem Reap.  A 17 ans, un bel avenir s’annonce à lui.

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Sopheak devient un jeune homme épanoui.

Sopheak est originaire de Kampot, orphelin il  est arrivé il y a de nombreuses années à Kien kleang avec son jeune frère Sophol  de un an son cadet. Malheureusement une dégénérescence maculaire qui lui fait perdre la vue  l’a contraint à arrêter l’école au grade 10 (2de en France). Sopheak s’est alors enfermé dans son monde rempli d’images qu’il dessinait avec un réel talent. La musique aussi appartenait à son univers de jeune artiste. Il jouait seul et apprenait inlassablement des morceaux du répertoire « boran* ». EB interpelé par ses dons a organisé une vente de ses dessins pour lui financer des cours de musique. Linda, une musicienne de l’association Azahar, lui a acheté un piano pour qu’il puisse apprendre. Hélas, les professeurs ne sont pas venus ou alors si peu. Sopheak s’est peu à peu enfoncé dans une solitude inquiétante. C’est alors que nous l’avons présenté à Patrick Kersale, ethnomusicologue dont le projet est de faire revivre la musique ancienne cambodgienne à partir des instruments depuis longtemps disparus et que l’on peut voir sur les bas-reliefs des temples d’Angkor. Parmi eux le « Pen » : la harpe cambodgienne. Depuis, Patrick a appris à son élève la technique de ce magnifique instrument. Sopheak passionné, guidé par son maître, est devenu en très peu de temps  le meilleur harpiste du Cambodge.

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Le maître et son élève.

 

 

Le 27 janvier dernier, il a accompagné Patrick à Siem Reap. Nous l’y avons rejoint dès notre retour de Koh Kong. Ils sont partis tôt ce matin-là de Phnom Penh, Sopheak gardant près de lui sa harpe à tête de Garuda.  La guesthouse de Marion, les a accueillis à leur arrivée pour un séjour d’une semaine. Le programme était chargé. Dès le lundi, ils ont rencontré le vénérable du Wat Bô, juste rentré des USA. Le vénérable est un homme très cultivé qui apporte beaucoup à la culture khmère  entre autres par la revalorisation des arts vivants comme le théâtre d’ombre, la reconstitution de figurines et la création de moules à l’ancienne pour les frontons des temples. Il est aussi responsable d’un dépôt archéologique de bronzes, de poteries et de céramiques d’Angkor. Sopheak a joué pour lui, dans l’immense salle de méditation au centre de laquelle le vénérable se tenait assis en tailleur sur un lit de bois, un verre de thé posé à côté de lui. Ce fut un moment magique d’autant plus que, enchanté par son talent, le vieux sage lui a demandé de rejouer encore et encore.

 

Le même jour, Sopheak a été invité à la Golden Silk. La Golden Silk est un magnifique espace de deux hectares sur le site d’Angkor non loin du temple de Banteay Srey (temple des femmes).  C’est ausi une association dont l’objectif est de retrouver les techniques de tissage du 18ème siècle à partir de fils dorés issus des vers à soie venus de l’Inde, probablement à la période Angkorienne. Sopheap, la directrice, fait de l’humanitaire depuis 30 ans. Elle a commencé par s’occuper des personnes âgées et des enfants dans les camps de réfugiés cambodgiens à la frontière thaïlandaise puis elle a fondé un orphelinat à Battambang qu’elle gère encore aujourd’hui . Elle aimerait que Sopheak vienne jouer de la harpe dans ce lieu ouvert aux visiteurs. Dans un premier temps, il jouerait pour le restaurant avec deux musiciens, puis il animerait la salle de spectacle et musée actuellement en construction. Sopheak y serait responsable de l’initiation à la harpe pour les occidentaux voulant s’essayer à cet art.

 

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A la Golden Silk

 

 

Sopheak a dormi une nuit à la Golden Silk afin de voir si l’ambiance du lieu lui convenait.  Ce soir-là, Sopheak y a joué dans le petit temple. Ce soir-là, les invités ont allumé des baguettes d’encens et ont prié avec émotion, car ce soir-là c’était la première fois que la harpe résonnait sur Angkor depuis le 19ème  siècle.

 

Durant son séjour, le jeune artiste a aussi rencontré la coordinatrice de Cambodian Living Arts qui s’appelle, elle aussi Sopheak. Il a fait la connaissance du groupe de musiciens et de Madmen, leur maître de musique. Le projet de  Cambodian Living Arts est de préparer les festivités du 20ème anniversaire de l’UNESCO le 27 juin prochain. Sopheak jouera avec eux à la terrasse des éléphants sur le site d’Angkor. Après un essai avec le groupe, il s’est avéré musicalement supérieur à la moyenne ce qui lui a valu un franc succès.

 

Enfin, Sopheak est allé jouer à l’Amansara, le palace le plus prestigieux du Cambodge. Il a accompagné une jeune chanteuse aveugle, Sodovan qui se produit deux fois par semaine dans cet hôtel. Ils ont rapidement trouvé les pièces du répertoire qu’ils connaissaient tous les deux. L’émotion est montée au fur et à mesure de leur duo. Moment de consécration durant lequel, ils ont joué pendant deux heures devant un parterre de millionnaires qui les a vivement applaudi. C’était émouvant de voir ce couple d’artistes réunis à la fois par les mêmes qualités musicales, les mêmes énergies mais aussi les mêmes difficultés de vie. Un dernier moment d’émotion lorsque  Sopheak après le concert, a guidée Sodovan, la tenant par le bras pour sortir de la salle.

 

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Les projets se dessinent donc pour Sopheak :

Il doit signer bientôt un contrat avec l’Amansara pour deux soirs par semaine. Le reste de son temps sera partagé entre la préparation du 20ème anniversaire de l’UNESCO avec Cambodian Living Arts et son travail avec la Golden Silk où il vivra dans un cadre idyllique et protecteur. Une chambre lui a déjà été réservée et aux dernières nouvelles, il devrait  s’y installer début mars prochain.  Enfin pour terminer, Patrick, le mari de Sopheap la directrice de Golden Silk (à ne pas confondre avec Patrick le musicien), souhaiterait profiter du talent de Sopheak en dessin pour illustrer le livre qu’il prépare sur l’histoire de l’art khmer.

 

Au cours de ce séjour, nous avons vu Sopheak sortir de sa chrysalide. Son sourire est maintenant permanent sur son visage, ses yeux se sont ouverts, sa voix s’est affirmée. Sopheak devient un jeune homme épanoui qui part à la rencontre de son avenir dans la joie de pouvoir vivre de sa passion. Nous avons longuement parlé avec lui, il est heureux de ce choix. Son seul souci est son frère de 16 ans qui a arrêté l’école mais qui s’intéresse à la mécanique. Nous allons le rencontrer, chercher pour lui une formation professionnelle, peut-être si cela est possible à Siem Reap ? Sopheak nous a dit « Tant pis s’il préfère rester à Kien Kleang, moi, je veux venir à Siem Reap ». Sopheak pour la première fois de sa vie décide.

 

* traditionnel

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