Le sourire de CHHAY LEANG

Chan Leang

Chhay Leang traverse la cour de son pas léger, ses bras tenant serrée contre elle sa trousse de toilette.

-  » Chhay Leang !  »

Elle se tourne vers nous, un grand sourire traverse son visage:

- « Sok sabaï*! » 

Nous sommes assises, Marion et moi sous l’arbre devant le pavillon des filles en train de papoter…comme des filles bien sûr, avec nounou Gneup, Srey Pich, Srey Nich et Srey Roeum. Narong nous y rejoint avant de partir au travail.

- « Chhay Leang, explique nous ce que tu fais maintenant. »

Chay Leang, jeune bachelière qui ne rêve que de devenir pharmacienne a échoué au concours d’entrée à l’université, c’était au mois de décembre. La jeune fille s’assoie avec nous. Ses yeux retrouvent le sérieux qui la caractérise lorsqu’elle parle de ses projets, ses yeux dont ont jailli tant de larmes lorsqu’elle a appris qu’elle n’était pas admise.

- « Je voudrais retenter le concours l’année prochaine. J’ajouterai celui de laborantine pour avoir le plus de chances possibles d’être prise. Il faut que je m’y prépare. »

Chhay Leang devient volubile et nous explique,le regard pétillant d’envie:

- « Il me faudrait un certificat en anglais mais pour cela je dois aller dans une école qui le délivre. Il faut aussi que je révise tous mes cours de math, de chimie et de biologie, je dois trouver les références de bons livres. Au mois d’Aout, il faudra que j’aille à l’école préparer le concours : trois heures par jour jusqu’en Octobre.

- Et en ce moment que fais-tu ? »

Chhay Leang baisse les yeux en croisant les mains sur ses genoux:

- « Pas grand-chose… je suis des cours de relations internationales à l’université, le samedi et le dimanche. Le reste de la semaine, rien, je m’ennuie un peu…

- Pourquoi ne travailles-tu pas à la préparation de ton concours ? »

Chhay Leang rougit puis sourit timidement :

- « Je n’ai pas l’argent pour acheter les livres… J’attends Août pour aller à l’école et réviser… »

Marion et moi, nous nous regardons. Accompagner cette jeune fille dans son projet est important. Dilemme : le certificat en anglais nécessite une inscription dans une école. Qui dit école d’anglais au Cambodge, dit école privée et tarifs élevés. Ces écoles poussent comme des champignons à Phnom Penh (et ailleurs). Elles seules sont habilitées à délivrer ce fameux certificat. Nous n’avons pas le choix malgré notre conviction profonde de contribuer à entretenir un système élitiste par l’argent.

- « Tu aimerais aller dans une école d’anglais ? »

Le sourire de Chhay Leang s’étire découvrant ses dents parfaitement alignées. Bien sûr ! Quelle question ! Et les camarades, autour de la table ombragée en cette belle matinée, d’ajouter de concert : la meilleure école c’est ELT ! C’est là que sont les meilleurs professeurs ! Ce n’est pas vraiment notre avis : l’enseigne ELT est partout dans Phnom Pneh, ELT c’est la grande mode. Mais Chhay Leang est une jeune fille brillante, elle a besoin de ce certificat, besoin d’aller vers son avenir et nous sommes au Cambodge.

Alors, nous avons amené Chhay leang avec nous. Ça tombait bien, nous étions sur le point de nous y rendre pour régler les trimestres de 4 jeunes inscrits par leurs parrains et marraines.

Elle a brillamment passé les tests, l’école l’a admise directement en niveau 9. Cette nouvelle nous fait plaisir : Chhay Leang depuis toute petite ne manque pas un cours d’anglais à l’orphelinat ce qui nous conforte dans l’idée que nous devons insister sur la participation de tous les jeunes à ces cours.

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                    Chhay Leang à ELT

 

Pour fêter ça, nous sommes allées toutes les trois manger un bon riz frit au poulet. Nous avons convenu ensemble d’aller rapidement acheter les livres de math, de chimie et de biologie pour qu’elle puisse dès maintenant se mettre au travail. Dorénavant,  la semaine sera bien remplie : 2 heures d’anglais tous les matins et révisions l’après-midi.

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Tout en mangeant, Chhay Leang nous a raconté son histoire. Elle est arrivée à Kien Kleang à l’âge de 7 ans après le divorce de ses parents. Sa mère, elle ne la voit plus depuis et n’a jamais eu de nouvelles d’elle. Son père a quitté le village avec ses enfants pour être ouvrier dans la maçonnerie à Phnom Penh. Les deux frères et sœurs ne quittaient pas leur père et l’accompagnaient sur les chantiers. Un jour, alors qu’il travaillait chez elle, une « dame du ministère » étonnée de voir ces enfants non scolarisés les a fait placer à l’orphelinat de Kieng Kleang. « Papa n’avait pas les moyens de nous mettre à l’école ». Depuis, son père est retourné au village où il est fermier. Son jeune frère de 17 ans l’a rejoint il y a un an : le directeur ne l’a pas gardé car il ne travaillait pas à l’école. Maintenant, il aide son père à la ferme. Chhay Leang va les voir pour le nouvel an khmer. Même si son père lui manque, elle n’aime pas aller au village car elle s’y sent rejetée par la communauté du fait du divorce de ses parents. C’est très mal vu au Cambodge. Elle préfère rester seule à l’orphelinat et étudier. Elle a des nouvelles de son père par téléphone. Elle conclue en nous disant « j’ai pleuré tout le temps au début et puis je me suis habituée… ».

Nous fournissons le petit coup de pouce nécessaire à Chhay Leang, le plus gros travail maintenant lui appartient : réussir son concours, trouver et suivre la voie qui fera d’elle une jeune femme libre.

Merci à vous tous de votre générosité et de nous permettre  d’accompagner ces jeunes vers leur vie d’adulte libre et responsable. 

* Ça va bien en khmer.

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