Un alibi en or pour Narong

La journée a mal commencé, l’appart de Laurence et Flora est curieux, la salle de bains à l’étage possède une porte qui mesure dans les un mètre soixante, à chaque fois que je la franchis faut que je me baisse. Ce matin de bonne heure je m’y dirige et évidemment pour la énième fois elle m’a réveillée avant la douche, cette fois d’une manière sévère et sans appel…

Heureusement le reste de la journée a été plus positif. Aujourd’hui pas de tuktuk, j’ai loué une moto. J’ai déposé ma fille Flora au lycée français René-Descartes, puis un petit crochet dans un café sympa, histoire de poursuivre ce bouquin de Katherine Pancol « Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi » et j’ai tracé jusqu’à l’orphelinat. Narong m’attendait, beau comme un camion, il avait même mis des boutons de manchette…

Narong a 21 ans, il est en troisième année d’université de management. Voilà quelques jours il nous fait part qu’au cours de cette année-là il lui faut réaliser des stages en entreprise afin d’avoir plus de chance pour trouver du  travail à l’issue de ses études. Avec Laurence et Marion on s’en parle et on trouve qu’il serait intéressant de l’évoquer avec Christian, le propriétaire de la Alibi guest- house. Christian est français, son personnel est khmer et son établissement est doté d’une dizaine de chambres. L’Alibi est un lieu très attachant, le patio arboré procure un appréciable repos dans cette ville sonore. Une fois exposé la situation, Christian accepte de le recevoir et d’en discuter. Nous convenons d’un rendez-vous et on apporte la bonne nouvelle à Narong. Il nous en avait parlé la veille et le lendemain on lui dit qu’un patron va le rencontrer afin de trouver une solution. Il n’en revenait pas. Ce matin donc Narong était près comme prévu à 9 h 30, en plus des boutons de manchette, il avait mis une chemise colorée mais pas trop, des chaussures crème et un pantalon noir, le tout dominé par une coiffure impeccable et un sourire à faire tomber toutes les srey sât (1) du royaume !

De Kien Khleang au centre-ville faut compter une petite demi-heure en tuktuk, mais en moto c’est à peine un quart d’heure. Je lui dis qu’aujourd’hui je suis french moto dop (2) et c’est parti ! En général ce sont les barangs (3) qui s’installent derrière le conducteur pour des petites courses intramuros, mais ce matin c’est bibi qui conduis avec mon casque et Diana Krall dans les oreilles. Nous voici à l’Alibi, Laurence nous rejoint et on attend Christian. Narong oscille entre joie et appréhension, c’est la première fois qu’il a un entretien. Le patron arrive, gare sa moto et nous salue, on lui présente le stagiaire et la discussion commence. En anglais, Narong lui explique pourquoi il a besoin de ce stage et lui donne ses disponibilités. Christian explique bien que le stage ne doit pas être long car il n’a pas besoin de personnel supplémentaire et qu’en peu de temps il aura compris le fonctionnement d’un établissement comme le sien. Le patron lui demande combien de temps il souhaite être stagiaire ici et quand il souhaite commencer. Regard et sourire de mille feux, Narong lui dit qu’un stage de trois mois serait parfait et qu’il aimerait commencer demain…

 

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Narong et ses futures collègues de travail

Ce sera donc un stage d’un mois et Narong embauchera la semaine prochaine, cinq jours par semaine après ses cours, de 15 à 19 heures. Patron et futur stagiaire se saluent et on passe aux éléments pratiques. Comment venir ici après les cours ? Narong n’a ni vélo et encore moins une moto… Il nous dit qu’un ami à lui peut l’amener à son futur travail mais qu’il doit pour cela lui payer l’essence. Après un rapide calcul la somme s’élève à 20 dollars, ici l’essence coûte aussi cher qu’en France. Ces quelques dollars seront vite trouvés au sein de l’association et Narong pourra faire ces premiers pas dans l’univers du travail. De retour à l’orphelinat c’est avec un sourire éclatant que Narong pose pied à terre en me disant « thank you my french moto dop » et m’embrasse. Parfois les choses peuvent être simples, très simples, aussi simples que de se cogner la tête un matin et de vivre des moments de partage et d’amitié.

(1) Jolie fille

(2) Moto taxi

(3) Etranger

 

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