Hommage d’un professeur à son élève par Patrik Kersale.

Sopheak…

Depuis plusieurs mois, chaque jour je rencontre Sopheak. Chaque jour c’est un émerveillement. La première fois, dans le courant de l’été, il m’apparaissait comme ces mousses de la forêt, encore vertes mais desséchées. Mais trempez-les dans l’eau et elles se régénéreront sans changer foncièrement d’apparence. L’eau de Sopheak, c’est la musique. Abreuvez-le chaque jour de cet intangible  breuvage et chaque jour vous le verrez s’épanouir.

Sopheak, c’est l’une des plus belles joies de ma vie. J’ai vu pas mal de miracles à travers mes vingt années de pérégrinations ethnomusicologiques aux quatre coins du monde, mais celui-ci est le miracle des miracles. Le cocktail ? De la musique, du respect, de la considération, de l’amour, de la méthode, des instruments de toute nature accessibles à ses dix doigts ou ses deux mailloches. De temps en temps une rencontre avec les meilleurs musiciens du Cambodge avec lesquels il peut se confronter musicalement. Quelques poignées de congratulations bien méritées et la petite mousse vert pâle redevient vert tendre.

Hier soir, Sopheak a été officiellement invité par le directeur de l’association Cambodian Living Art qui est la plus importante organisation pour la musique traditionnelle au Cambodge. Elle est en charge de faire revivre ce qui est en train de disparaître et de maintenir ce qui est encore vivant. La soirée réunissait tout le conseil d’administration américain. Dans les coulisses, Sopheak a fait une très brève répétition avec Sinat, le meilleur jeune musicien du Cambodge. L’un et l’autre connaissent le répertoire traditionnel. Comment Sopheak le connaît-il ? Pour l’instant cela demeure un mystère. Mais comme j’aime le mystère, je ne cherche pas à savoir… Cette répétition semblait finalement totalement inutile tant l’un et l’autre maîtrisent leur art. Le duo monocorde harpe, puis duo de harpes a époustouflé l’assemblée. Pluies d’applaudissements et de félicitations. Sopheak devrait être invité sur TV5 prochainement pour parler de la harpe. Une consécration pourrait s’ensuivre puisque l’émission en question est très suivie au Cambodge.

Toute cette joie qu’il me procure et génère autour de lui nous fait tous réagir ici. Il faut faire plus encore : lui faire rencontrer les meilleurs maîtres de musique du Cambodge, lui trouver un environnement favorable à une vie digne et stable pour qu’il puisse s’épanouir et progresser rapidement. Il a une capacité d’assimilation hors du commun. C’est une véritable mousse qui conserve toute l’eau versée. Un bel avenir lui est promis. Les plus grands l’inviteront. Et comme le dit l’adage des Damaï du Népal : « Deviens musicien et toujours tu marcheras devant le roi… ».

 

                                                                                                          Patrick Kersalé

                                                                                                          Ethnomusicologue

 

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