Au troisième jour

Au troisième jour, c’est la vraie de vraie entrée dans la nouvelle année.

En début d’après midi, Kosal, Sophal, Dimang, Pov, Srey Kéo, nounou Srey et moi avons, nous aussi, déserté l’orphelinat et embarqué pour Koh Dach, l’île de la Soie.

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A une dizaine de kms de Phnom Penh, une fois franchi le Mékong assagi, Koh Dach s’offre dans toute sa lascivité  comme un souffle paisible. Les fleurs de frangipaniers dans leur pleine éclosion, les manguiers croulant de fruits dorés enivrent l’air de leurs notes sucrées. Les hautes maisons sur pilotis abritent sous beaucoup d’entres elles un métier à tisser.  Autrefois produits au Cambodge, les fils de soie sont maintenant quasiment tous importés du Vietnam. La fureur khmers rouges a aussi emporté sur son passage, mûriers et souches de vers à soie. Mais le travail de tissage reste artisanal, teinture, filage, installation sur le métier, ces opérations peuvent prendre  trois jours avant de commencer à passer et repasser la navette entre les fils pour produire en une journée un ou deux mètres de tissu. Une petite manufacture de tissage s’est aussi développée employant les jeunes filles de l’île.

Aujourd’hui pas de tissage, les habitants sont réunis par petits groupes tout au long des routes et chemins et gare à ceux qui tentent le passage. Musique à fond, les passants téméraires sont pris d’assaut, aspergés, maquillés de talc parfumé, ils ne passeront pas sans avoir donné leur obole, quelques riels pour poursuivre jusqu’au prochain arrêt ! Tous se prêtent au jeu, dans une atmosphère bienveillante, jeunes, vieux, enfants esquivent quelques pas de danse, mettent un billet dans l’assiette, et repartent trempés et poudrés.

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Les dons récoltés seront reversés aux moines, pour la rénovation, la construction, et l’entretien de leurs temples. Les pagodes du Cambodge hébergent des jeunes sans famille ou très démunis, leur permettant d’être scolarisés, nourris et sécurisés.

Nous nous sommes installés dans la maison d’une lointaine cousine de nounou Srey, d’autres parentes sont déjà là, l’eau mise à chauffer sur la cuisinière à bois va servir au thé, la sieste s’impose, couchée à même le carrelage pour  y trouver un peu de fraîcheur.

Les enfants du village se précipitent pour savoir ce qui se passe dans la maison d’à coté

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Le soir venu, nous partons à la pagode, j’ai pu éviter sournoisement la jupe empesée, raide comme du carton que nounou Srey avait encore une fois glissé dans son sac pour moi, négociant seulement le chemisier blanc un peu trop étriqué. Nous allons honorer le crocodile, roi du fleuve, maître des eaux  qui apporte chance, force et prospérité pour toute l’année.

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Comme une pièce de théâtre, les participants vont se mettre en place sous la houlette des anciennes du village, les filles assises en deux files de chaque coté de la pagode, les hommes debout au fond. Tous ont quitté les vêtements mouillés et poudrés pour enfiler chemise et jupe traditionnels ou pantalon propre.

Commence alors un IMG_0320étonnant dialogue entre chaque équipe. Les chants s’élèvent alternativement, les femmes sur un rythme de balancement rament de leurs deux mains au sol, les hommes répondent en mimant le mouvement du bateau qui chaloupe.  

Entre deux tempos, les femmes, s’avancent au milieu, chantent et dansent, invitent et repoussent, dans un simulacre de séduction.

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Tout se termine dans un chahut potache et une salve d’applaudissements, la fête se poursuit dehors, danses très kitsch sur une musique sirupeuse à souhait. Cette cérémonie, est aussi païenne que déjantée,  et je n’y ai pas vu l’ombre d’une tunique orange de moines. Ce dernier soir, les pagodes sont laissées à la disposition des habitants, et s’y expriment, danses, chants, jeux, célébrations particulières inspirées des légendes de chaque village, dans un joyeux débordement.

Après quoi nous allons nous coucher mais pour d’obscures raisons à la mode khmer, nous traversons la rue pour squatter la terrasse de la maison d’en face.La lointaine cousine de nounou Srey en a la  garde pour des riches phnompenhois qui n’y viennent que le week end.

Sur le coup de 23h, Dimang a comme une petite faim, ça tombe bien parce que le nouvel an est maintenant vraiment fini alors nounou Srey  dit qu’on peut bien emprunter un peu de fruits destinés à Bouddha, qui sont là sur l’autel de la maison. Du coup on boulotte les oranges et les bananes mais laissons la pastèque et la boisson, il parait que comme ça Bouddha ne sera pas fâché.

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La nuit est rude, peuplée de mille bruits, meuglement du crapaud buffle, appel strident du gecko, aboiements sporadiques des chiens, couchée sur une mince natte, je me  félicite d’avoir fourré au dernier moment dans mon sac mon bouquin et ma lampe de poche.

Le lendemain, nous traînons, peu pressés de quitter la douceur de l’île, et comme on ne s’en va jamais les mains vides de Koh Dach, (http://blogdemarieo.blogspot.fr/2010/10/koh-dach.html) nous repartons chargés de dizaines de kilos de mangues fraîchement cueillies

 

.IMG_0436Vraiment difficile d’en repartir de Koh Dach ! IMG_0447

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